Coalition suisse pour la diversité culturelle
Schweizer Koalition für die kulturelle Vielfalt
Coalizione svizzera per la diversità culturale
Coaliziun svizra per la diversitad culturala

Dossiers / Libri

3eme session Unesco: projet de la convention

Coalition suisse pour la diversité culturelle
Schweizerische Koalition für die kulturelle Vielfalt


Paris, le 6 juin 2005

Compte-rendu de la 3ème session de négociations UNESCO 
ayant abouti à l'adoption d'un projet de convention sur la diversité culturelle 
qui sera soumis à l'approbation de la 33ème Conférence générale de l'UNESCO (octobre 2005)


La 3ème session de la réunion intergouvernementale de l'UNESCO a réuni du 25 mai au 3 juin 120 délégations d'Etats membres de l'UNESCO dans le but de finaliser un projet de convention à soumettre à l'approbation de la Conférence générale à l'automne prochain.

Alors que l'inquiétude était grande quant à la capacité de la 3ème session d'atteindre cet objectif en raison de la durée limitée de la session (10 jours) et de l'opposition vigoureuse manifestée par les Etats-Unis avant même que la réunion ne démarre, les délégations ont adopté vendredi 3 juin, avec un jour d'avance sur le calendrier, un projet de convention à transmettre pour approbation à la prochaine Conférence générale de l'UNESCO (octobre 2005).

Le résultat final est proche du texte consolidé présenté par le Président Asmal, à l'exception de l'article 20 qui a fait l'objet d'une négociation particulière. Pour le reste, la plupart des amendements ont été rejetés et le texte est globalement resté en l'état, avec quelques améliorations.

Déroulement de la négociation 

Dès le premier jour de la session, la vaste majorité des délégations a exprimé son soutien au texte consolidé du Président du 25 avril 2005 et a souhaité qu'il constitue la base de travail de la 3ème session. Seules quelques délégations dont les Etats-Unis ont exprimé le souhait que l'on se réfère également au texte composite qui contient tous les crochets et notes de bas de page introduits lors de la 2ème session de février.

Ainsi, sur la base du texte consolidé du Président (dit texte du Cap), des amendements écrits des délégations ont été examinés article après article. La stratégie des pays favorables à l'adoption de la convention était de soutenir au maximum le texte du Cap et de limiter les amendements à des questions qui pourraient s'avérer être un obstacle à la ratification. Cette stratégie a été globalement respectée, notamment par l'Union européenne, mais le Canada a déposé à plusieurs reprises des amendements techniques d'importance mineure, faisant ainsi le jeu américain en ralentissant l'examen des articles.

De leur côté, les Etats-Unis sont apparus assez isolés dès le départ, notamment dans leur approche de la négociation : très agressifs pour faire entendre leur voix, ils ont beaucoup critiqué le recours au vote qui mettait en évidence leur isolement. Ils ont ainsi déclaré le dernier jour que les règles de procédure avaient été mal appliquées voire ignorées et que le texte adopté était incompatible avec l'acte constitutif de l'UNESCO. Ils ont déclaré que la réputation de l'UNESCO sortait affaiblie de ce processus. 

Ainsi, le Président de la session, le professeur Kader Asmal a été soumis à de lourdes pressions, qui l'ont conduit parfois à changer totalement d'attitude d'un jour à l'autre, notamment dans le recours au vote. Le Directeur général de l'UNESCO, aussi soumis à de fortes pressions de la part des Etats-Unis, lui a cependant maintenu sa confiance.

Sur le fond, la principale critique des Etats-Unis a été de considérer que le projet de convention dépasse le mandat de l'UNESCO et qu'il s'agit en l'état d'une convention relative au commerce et non à la culture, qui aura un impact négatif sur les négociations du cycle de Doha à l'OMC. Ils vont exploité le temps qui nous séparent de la Conférence générale pour continuer à décrédibiliser le processus ayant conduit à l'adoption de ce texte. 

Durant la négociation, les Etats-Unis ont réussi à rallier en fonction des sujets une petite dizaine d'Etats sur leurs positions de fond : Israël, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande, Mexique, Argentine, Chili, Egypte, Maroc, Turquie. Ils ne manqueront pas d'essayer de rallier d'autres Etats autour de ce noyau dur afin d'apparaître plus forts lors de la Conférence générale.

En revanche, les pays en développement et notamment des poids lourds comme l'Inde, le Brésil et la Chine ont véritablement soutenu la convention aux côtés de l'Union européenne. Celle-ci s'est gardée d'entrer dans un conflit bilatéral avec les Etats-Unis malgré les attaques directes contre sa demande de participation, ce qui a permis à la négociation d'apparaître comme une volonté véritablement internationale et non comme un conflit commercial entre l'UE et les Etats-Unis. Restée discrète, l'UE a bien géré sa prise de parole unique répartie entre la Présidence luxembourgeoise et la Commission européenne en fonction des sujets. La CE disposait d'une équipe de négociation renforcée qui bénéficiait du soutien de fonctionnaires du service juridique. 

Texte adopté

Globalement, les amendements adoptés améliorent, souvent techniquement, le texte du Cap. Seuls les changements d'importance notable sont mentionnés dans cette note.

Titre

La recommandation finale de la 3ème session recommande à la Conférence générale de prendre en considération le titre du Cap : " Projet de convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ".

Préambule

Le Préambule reste globalement celui du Cap avec l'ajout d'un paragraphe sur l'importance des savoirs traditionnels et une référence à la diversité des médias.

Article 4 - Définitions

Une définition du contenu culturel a été introduite afin de clarifier les concepts et d'éviter des définitions circulaires qui se réfèrent en permanence les unes aux autres. 

Le terme " activités " accolé aux " biens et services culturels " a été maintenu, mais la définition de l'ensemble de ces termes a été réduite, ce qui a permis d'enlever la référence aux croyances, traditions et pratiques. En plénière, seule l'Argentine a décrié le terme d' " activité " comme diluant le champ de la convention. Les autres délégations dont l'Union européenne ont choisi de faire plaisir au Japon qui était à l'origine de la demande, tout en limitant la portée de l'ajout en encadrant la définition. C'est leur proposition qui a été adoptée. Par la suite, le Japon a mieux accompagné le processus qu'il ne l'avait fait lors de la 2ème session.

Il est important de noter également que l'ensemble du vocabulaire de référence a été maintenu malgré l'opposition des Etats-Unis : biens et services culturels, protection, politiques et mesures culturelles.

Article 5 - Droits et obligations des Parties

Les amendements des pays d'Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC) et des pays africains visant à renforcer les aspects " obligations " de la convention n'ont pas été adoptés. Le texte reste donc globalement celui du Cap.

Article 6 - Droits des Parties au niveau national

Aucun amendement n'a été déposé pour renforcer le paragraphe sur les quotas, les partisans de la convention estimant que le texte du Cap est suffisant en l'état pour permettre aux Etats de mettre en place des quotas et qu'il était préférable de ne pas attirer l'attention dessus. 

En revanche, L'UE et la Suisse ont déposé un amendement, qui a été adopté, visant à couvrir les mesures soutenant la diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion. La diversité des médias est la seule nouvelle notion sur laquelle l'UE a accepté de faire des amendements.

Article 11 - participation de la société civile

La Suisse a fait un amendement reprenant les propositions de la société civile. L'amendement a été adopté, ce qui améliore considérablement l'article.

Article 12 à 18 - Coopération internationale

Ces articles demeurent largement inchangés.
Les contributions au Fonds international pour la diversité culturelle restent volontaires, mais un nouveau paragraphe a été adopté encourageant les Parties à y verser régulièrement des contributions.

Article 20 - Relations avec les autres instruments ; soutien mutuel, complémentarité et non-subordination

Au regard de l'importance de cet article et de son potentiel explosif, le Président a constitué un groupe de travail sur l'article 20 avant même son examen en plénière, afin d'éviter de longues discussions sur des amendements totalement opposés. Il a lui-même mené les négociations au sein du groupe et il a forcé un compromis. 

La France a d'abord tenté de s'opposer à ce compromis en sein de l'Union européenne en raison du 2ème paragraphe de l'article. Par la suite, après consultation de juristes et petits amendements, elle s'est ralliée au compromis, voyant également que les Etats-Unis pouvaient encore une fois se retrouver marginalisés.

Lors de l'examen en plénière jeudi 2 juin, ce compromis a recueilli un quasi-consensus, les Etats-Unis, le Japon, Israël, l'Argentine, la Russie et la Turquie s'opposant ou réservant leur position par manque d'instruction de leurs capitales. Le lendemain, lors de l'examen global du projet de convention, les rangs des opposants ont légèrement grossis : 8 réserves se sont exprimées (Turquie, Etats-Unis, Israël, Nouvelle-Zélande, Chili, Australie, Japon, Argentine), mais la Russie a retiré la sienne. 

Les Etats-Unis n'ont pas accepté la règle majoritaire et ont demandé que la Conférence générale examine leur amendement aux côtés du compromis. Il n'ont pas été suivi et ont quitté la salle.

Sur le fond, ce compromis comporte un très bon 1er paragraphe qui va au-delà de la proposition européenne dans sa formulation et des ajouts intéressants dans le titre. Le 2ème paragraphe peut apparaître cependant comme limitant la portée du 1er, bien que l'article constitue un tout. Une analyse complète de cet article avec des spécialistes est indispensable pour en mesurer toute la portée.

Article 25 - Règlement des différends

La procédure de règlement des différends a été modifiée. Elle ne prévoit plus de recours à l'arbitrage ou à la Cour internationale de justice et se concentre sur une procédure de conciliation, pouvant être actionnée par une seule Partie. Cette solution a l'avantage d'orienter les différends sur une procédure unique qui peut être déclenchée à l'initiative d'une seule Partie.

Cependant, la conciliation n'a pas de caractère obligatoire pour les parties qui " examinent de bonne foi la proposition de résolution du différend rendue par la Commission de conciliation ".

L'Inde a demandé pour des raisons constitutionnelles internes de prévoir la possibilité de faire, lors de son adhésion à la convention, une réserve à cette procédure de conciliation, en raison de la possibilité de saisine unilatérale. Il s'agit là de la seule réserve possible à la convention.

Article 27 - Adhésion

Cet article a été considérablement réécrit pour permettre l'adhésion des organisations d'intégration économique régionale qui, telles que l'Union européenne, bénéficient de transferts de compétences.